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L'existence du libre-arbitre fait partie des grandes questions métaphysiques débattues depuis des siècles. Le libre-arbitre pose la volonté comme cause première de nos actions. Ce sentiment, nous l'éprouvons tous les jours, nous sentons notre autonomie, nous nous croyons libres. Certains philosophes ont pourtant mis en doute cette idée, affirmant que le libre arbitre ne pourrait bien être qu'une illusion due à notre ignorance des causes qui nous font agir.
Qu'est-ce que le libre-arbitre ?
La liberté d'indifférence
Le libre-arbitre pose en premier lieu que les actions humaines sont contingentes. Le contingent s'oppose au nécessaire: je peux faire une chose mais je peux très bien ne pas la faire. La thèse de la liberté d'indifférence défend l'idée d'une contingence au niveau des actions humaines. René Descartes (1596-1650) définit lindifférence comme « létat dans lequel est la volonté lorsquelle nest pas poussée dun côté plutôt que de lautre par la perception du vrai et du bien ». Cette liberté relève de la pure volonté, sans autre motif rationnel ou sentimental. Ainsi, Bossuet (1627-1704) écrit que « Le libre arbitre est la puissance que nous avons de faire ou de ne pas faire quelque chose ».
La décision comme création
Un exemple emblématique qui revient souvent pour illustrer le libre-arbitre est l'histoire de l'âne de Buridan, du nom du philosophe Jean Buridan (1292-1363). Il présente un âne également tenaillé par la faim et la soif. D'un côté est placé un seau d'eau et de l'autre, à égale distance, un seau d'avoine. Etant incapable de choisir, il reste sur place et finit par mourir de faim. Une autre variante, celle de Pierre Bayle, remplace le seau d'eau par un second seau d'avoine mais le principe reste strictement le même.
Cette histoire est une expérience de pensée qui sert d'argument pour montrer que l'Homme, même lorsque sa raison est mise en échec, ne peut pas mourir de cette manière car il possède à la différence de l'animal la faculté du libre-arbitre. En considérant que le libre-arbitre consiste à prendre une décision sans véritable motif, on en vient à affirmer que décider, c'est créer; car nos actes créent de nouvelles causalités.
Une volonté non déterminée
Descartes affirme que le fait même de douter est l'objet d'une décision. Le doute s'évanouit généralement lorsque des arguments décisifs sont avancées mais il peut néanmoins perdurer, signe que la volonté peut ignorer la raison. Descartes va jusqu'à dire que même placé devant la vérité, nous pouvons encore la rejeter. Je peux faire ce qui ne me paraît pas raisonnable. C'est ce qui se passe aussi dans l'action morale: le fait même de faire du mal en toute connaissance de cause est un signe du libre-arbitre. La volonté, échappant à toute détermination, est ainsi décision de décider.
Les négations du libre-arbitre
Le déterminisme
Selon le déterminisme, tout ce qui existe dans le monde est le produit de la relation de cause à effet. Une cause entraîne un effet qui devient lui-même une cause: tout est soumis à la nécessité. Dans cet univers, il n'y a aucune place pour la liberté. Le philosophe déterministe Baruch Spinoza (1632-1677) affirme ainsi que l'Homme n'échappe pas à cette loi: ce« n'est pas un empire dans un empire » dit-il, c'est-à-dire qu'il n'y a aucune raison particulière de penser qu'il occupe une position privilégiée dans le monde. Ce n'est qu' « une partie de la Nature » (l'Ethique).
Si nous nous croyons libres, dit Spinoza, c'est parce que nous ignorons les causes qui nous font agir. L'idée du libre-arbitre en est donc réduite à une illusion qui proviendrait de notre ignorance: « Les hommes se trompent lorsqu'ils pensent être libres et cette opinion consiste en cela qu'ils sont conscients de leurs actions et ignorants des causes par lesquelles ils sont déterminés ».
Cependant, il n'est pas du tout évident que l'Univers soit organisé selon un mode déterministe. Si la représentation mécaniste du monde prévalait jusqu'au début du XXème siècle, la physique quantique a montré qu'elle était davantage un présupposé qu'une certitude. Certains scientifiques (biologistes ou physiciens quantique) soutiennent même que l'indéterminisme quantique agit jusque dans notre cerveau. Si cela s'avère vrai, le problème du libre-arbitre serait à voir sous un autre angle.
Le Destin
Le Destin, à la différence du déterminisme, pose que le cours des choses est gouverné par une puissance mystérieuse. De ce fait, la liberté absolue de l'Homme est niée: le libre-arbitre n'est qu'un fantasme. Aucune partie de la Création n'échappe à cette force toute-puissante. Ainsi Bossuet affirme dans son Discours sur l'Histoire universelle que toutes les entreprises humaines ne sont que des moyens mis en oeuvre inconsciemment par les hommes à des fins divines.
Une histoire persane illustre cruellement la force du Destin.
Un jour, au marché de la ville de Boukhara, le vizir se promène en regardant les étalages des commerçants. Soudain, au milieu de la foule, il voit la Mort qui le regarde fixement et qui esquisse un geste d'étonnement... Paniqué, convaincu que la Mort veut l'emporter, le vizir fuit le marché et, sans même passer avertir sa famille et ses amis, prend son cheval et part au galop. Tout au long de la nuit, il chevauche, pensant ainsi s'éloigner de la Mort. Il rentre dans Samarkand le lendemain matin.
A la fin de l'après-midi, à Boukhara, au palais du sultan, tout le monde discutait du départ soudain du vizir. Le sultan, intrigué, s'informe et finit par apprendre qu'au marché, la Mort était présente et que c'est après l'avoir vue que le vizir quitta la ville à cheval. Le sultan fait donc venir la Mort dans son palais pour l'interroger: « Est-ce vrai que tu as fait peur à mon ministre ? » demande le sultan. « Non, je n'ai pas souhaité lui faire peur, mais j'ai été très étonnée de le voir au marché de Boukhara, car demain matin, nous avons rendez-vous à Samarkand ! »
Le problème moral de la négation du libre-arbitre
Quelle que soit la diversité des critiques philosophiques du libre-arbitre, le problème à résoudre se situe dans le domaine de l'éthique. Saint Thomas d'Aquin (1225-1274) faisait remarquer que la morale est impensable sans le libre-arbitre : « L'homme possède le libre arbitre ou alors les conseils, les exhortations, les préceptes, les interdictions, les récompenses et les châtiments seraient vains » (Somme théologique). La négation du libre-arbitre déresponsabilise l'Homme. Si le libre-arbitre est une illusion, comment tenir qui que ce soit pour responsable ? Comment juger d'un point de vue moral un acte ?
Friedrich Nietzsche (1844-1900) prend le contre-pied de cette analyse en affirmant au contraire que le libre-arbitre est « le plus suspect des tours de passe-passe des théologiens, aux fins de rendre l'humanité « responsable », au sens où ils l'entendent, c'est-à-dire de la rendre plus dépendante des théologiens » (Crépuscule des idoles). Pour Nietzsche, qui se définit comme un immoraliste, la théorie du libre-arbitre a été inventée par les religieux afin de rendre l'Homme coupable, et d'infecter le monde des notions de « punition » et de « faute » dans un but de châtiment: « Le christianisme est une métaphysique de bourreau » écrit-il. Si Nietzsche considère le libre-arbitre comme une fable, il critique cependant son contraire, ce qu'il appelle le « serf-arbitre » (dans Par-delà bien et mal) qui, par un abus de la relation de cause à effet, permet à l'Homme à se décharger de l'ensemble de ses responsabilités. Les notions de « cause » et d' « effet » ne seraient en effet que de purs concepts servant à désigner des phénomènes mais non à les expliquer.
Qu'en est-il du libre-arbitre aujourd'hui ? Les recherches récentes en neurophysiologie, si elles n'ont pas éliminé le libre-arbitre, semblent avoir cantonné sa fonction au rôle d'arbitre. Kornhuber a mis en évidence que près d'une seconde avant la décision d'un acte, le cerveau a préparé cet acte (potentiel de préparation motrice). Le scientifique Libet a en revanche identifié des potentiels de préparation avortés au moment de l'acte quand celui-ci n'a pas été effectué. Le libre-arbitre pourrait ne pas être une illusion, mais il ressemblerait plus à un droit de veto qu'à une autonomie absolue de la volonté.
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