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Le premier philosophe a avoir pointé le caractère universel du désir du bonheur est Aristote. Tout le monde veut être heureux, observe-t'il, mais les hommes divergent sur les moyens d'y parvenir. Le bonheur, remarque-t'il, est la seule chose que nous désirons pour elle-même: ainsi ce n'est pas la richesse en elle-même que nous désirons, c'est le bonheur qui pourrait en résulter, de même pour la gloire ou le pouvoir.
Dans ce document seront examinées successivement les deux principales philosophies eudémonistes de l'Antiquité (l'épurisme et le stoïcisme) et deux critiques de la recherche du bonheur.
L'épicurisme: une morale hédoniste
Les fondements de la morale épicurienne
Dès leur naissance, les Hommes recherchent spontanément le plaisir et fuient le malheur. Pour Epicure (341-270 av. J.C.), il est naturel de rechercher le plaisir car c'est vivre en conformité avec la Nature. Ce n'est ainsi pas le Bien idéal qui est le but et le sens de l'existence (contrairement à ce que pensait Platon) mais le bonheur. L'épicurisme est un hédonisme, une morale du plaisir. Elle est résumée en un quadruple remède (tetrapharmakon):
La philosophie épicurienne est un matérialisme. Epicure reprend à Démocrite l'idée selon laquelle notre monde est composé de grains insécables, les atomes, entre lesquels il n'y a rien. A l'origine, les atomes tombaient parallèlement dans le vide mais un hasard en a fait dévier quelques-uns de leur trajectoire, ces déviations en ont entraîné un nombre infini d'autres, et c'est ainsi que les corps se sont constitués (par agrégat d'atomes). A l'opposé des stoïciens, les épicuriens faisaient de ce hasard une garantie de la liberté rejetant ainsi les notions stoïciennes de Destin et de Providence: Epicure dit à Ménécée qu'il vaut mieux « encore accepter le mythe sur les Dieux que de s'asservir au destin des physiciens ».
Epicure croyait à l'existence de l'âme, mais contrairement à Platon qui en faisait un principe immatériel, il la concevait comme constituée de matière, plus légère et plus subtile que le corps, qui se dissout à la mort (donc pas d'après-vie). Quant aux dieux, ils sont eux aussi constitués de matière mais ils résident dans des mondes éloignés du nôtre sans se préoccuper des hommes: il n'y a donc rien à attendre d'eux, ni en terme de crainte, ni en terme d'espoir.
Une typologie des plaisirs
Bien qu'Epicure fasse l'apologie du plaisir, il établit tout de même des distinctions. Tout d'abord entre les plaisirs en repos: l'état de bien-être mental (ataraxie), et les plaisirs en mouvement: les plaisirs du corps.
De cette idée, Epicure distingue trois types de plaisirs:
Pour l'épicurisme, le bonheur stable réside en un juste équilibre entre les plaisirs naturels et nécessaires et les plaisirs naturels et non nécessaires. Au XVIIIème siècle, l'Encyclopédie s'inspirera de cette vision du bonheur pour sa définition: « Un état tranquille semé ici et là de quelques plaisirs qui en égayent le fond ».
La dissolution de la crainte de la mort
Le bonheur échappe trop souvent à l'Homme en raisons de ses soucis et ses angoisses. Et la première de ces angoisses, c'est celle de la mort. Epicure entend, sans nier l'échéance inéluctable, dissoudre cette peur. Ainsi dit-il, « la mort n'est rien pour nous ». La mort étant absence de sensibilité, elle n'est concrètement rien et est donc étrangère à la vie qui se caractérise par la sensation. « Prends l'habitude de penser que la mort n'est rien pour nous, car tout bien et tout mal résident dans la sensation: or la mort est privation de sensibilité » (Lettre à Ménécée). Ainsi, la mort « n'existe ni pour les vivants ni pour les morts, puisqu'elle n'a rien à faire avec les premiers et que les seconds n 'existent plus ». Il n'y a donc pas de rencontre entre nous et la mort, car ce n'est pas un événement de la vie: lorsque nous sommes en vie, la mort n'est pas là, et lorsqu'elle est là, nous ne sommes plus en vie.
Le stoïcisme: la fermeté de l'âme
Ce qui dépend de nous et ce qui n'en dépend pas
A l'opposé du monde épicurien gouverné par le hasard, le monde stoïcien est celui du Destin et de la Providence. Ces deux principes diffèrent par le fait que le premier est impersonnel et aveugle tandis que le second et personnel et bienveillant (le Christianisme récupérera la Providence et rejettera le Destin).
Ainsi, la morale stoïcienne repose sur une distinction fondamentale: ce qui dépend de nous (nos opinions, désirs, représentations) et ce qui n'en dépend pas (ce qui appartient au Destin). Le fait de mourir ne dépend pas de nous, en revanche, notre attitude envers la mort dépend de nous. De ce fait, l'effort sur soi, la maîtrise de ses représentations, est au coeur de la morale stoïcienne, à un tel point que « stoïque » est passé dans le langage courant en tant que synonyme de « patient » ou d'« impassible ».
Les stoïciens posaient donc comme condition nécessaire du bonheur la lutte héroïque contre soi-même et non contre la Nature (laquelle serait vouée à l'échec).
L'éloge de l'apathie
L'apathie, qui n'avait pas dans l'Antiquité le sens négatif qui l'a aujourd'hui, signifie « absence de passions », la passion désignant tout ce qui touche affectivement l'être humain sans que celui-ci y soit pour quelque chose. Pour la morale stoïcienne, l'apathie est un idéal de tranquillité intérieure, un signe de sagesse. Si Aristote et nombre de philosophes de l'Antiquité prônaient une modération des passions mais n'admettaient pas leur disparition, la morale stoïcienne se veut être une lutte acharnée et intransigeante contre les passions, lesquelles sont considérées comme des perversions de la raison. Le principe de la tempérance des passions est en effet jugé illusoire: raison et passion sont deux principes antinomiques qui ne sauraient coexister et ainsi s'affrontent dans l'arène de l'âme. Pour le stoïcisme, une vie heureuse est une vie sans passions car la passion est l'ennemi du bonheur.
Emmanuel Kant (1724-1804) sera l'un des rares philosophes modernes a rendre hommage à ce devoir stoïcien d'apathie: « Du principe de l'apathie qui veut que le sage, ne soit jamais ému, même de compassion pour les malheurs de son meilleur ami, l'école stoïcienne a fait un principe moral, juste et sublime » (Anthropologie).
La maîtrise de la mort
Si les épicuriens affirment que craindre la mort est une folie, les stoïciens vont plus loin encore en faisant l'éloge de la mort volontaire. Epictète (50-125/130) propose au sage la possibilité du suicide s'il souffre de douleurs insupportables: « N'est-ce pas comme au jeu, où l'on reste tant qu'on s'y plaît ? ». Le suicide est considéré comme l'accomplissement ultime et spectaculaire de cet effort sur soi qui caractérise la morale stoïcienne. Zénon et Cléanthe se laissèrent ainsi mourir de faim et Sénèque s'ouvrit le veines sur l'ordre de Néron...
Le bonheur est-il un mythe ?
La critique kantienne
Nombre de philosophes modernes critiquèrent la recherche du bonheur comme illusoire et vouée à l'échec. Dans les Fondements de la métaphysique des moeurs, Kant s'interroge sur la manière d'être heureux. Par la richesse ? « Que de soucis, d'envies, que de pièges ne peut-il pas par là attirer sur sa tête ! ». Par davantage de connaissances ? Mais n'est-ce pas mieux voir les maux qui nous entourent ? Par une vie plus longue ? Mais qui dit qu'une vie plus longue n'est pas une souffrance plus longue ?
Kant se livre à une véritable critique de l'eudémonisme (morale du bonheur). Selon lui, le bonheur est subjectif (dépendant des individus). Une morale du bonheur comme l'épicurisme ou le stoïcisme ne peut pas être universelle, elle reste particulière, relative et contingente.
Si Kant admet la possibilité d'un bonheur, celui-ci n'est qu'éphémère; la possibilité d'un bonheur stable est niée. C'est un « idéal, non de la raison, mais de l'imagination, fondé uniquement sur des principes empiriques ».
La critique de Schopenhauer
Pour Arthur Schopenhauer (1788-1860), contrairement au malheur, le bonheur est inconscient: on se rend compte que l'on a été heureux seulement après coup. La vie est un pendule qui oscille entre la douleur et l'ennui (absence de douleurs). Quant au plaisir, une fois apparu il se fane bien vite comme le notait déjà Sénèque au Ier siècle av. J.C. : « après le plaisir vient l'ennui, et après un premier élan le plaisir se flétrit » (De la vie heureuse).
La philosophie morale de Schopenhauer est pessimiste car elle donne un statut positif à la souffrance et un statut négatif au plaisir et au bonheur, ce dernier étant définit comme l'absence de souffrances: « La satisfaction, le bonheur, comme l'appellent les hommes n'est au sens propre et dans son essence rien que de négatif, en elle rien n'est positif ». Le but de l'existence n'est ainsi par la recherche d'un plaisir fugitif ou d'un bonheur illusoire mais la fuite de la douleur.
Nous pouvons remarquer aujourd'hui que la question de la quête du bonheur n'est plus seulement morale mais est devenue politique. Aucun empereur, roi ou tyran d'antan n'avait jamais souhaité faire le bonheur de son peuple. La Constitution américaine (1787) garantie le droit donné à chaque individu de rechercher le bonheur, et tous les Etats modernes à commencer par la France - s'inspireront de ce principe. Ainsi, l'Etat démocratique a pour charge de fournir aux individus les conditions du bonheur, à eux ensuite d'accomplir leur bonheur personnel comme ils l'entendent. La recherche du bonheur a remplacé la recherche du Salut et de la béatitude dans nos sociétés modernes en tant que priorité de la vie, signe du déclin religieux.
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