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La religion est une notion qui a souvent fasciné les philosophes. Le sentiment religieux est étonnant à plus d'un égard car il semble littéralement enraciné dans le subconscient de l'Homme: on trouve en effet des sociétés sans science, des sociétés sans art, des sociétés sans philosophie mais pas des sociétés sans religion. La religion est aussi extrêmement ancienne: dans une sépulture qui datait de plus de 80 000 ans, on a retrouvé un squelette couché en position foetale (allusion sans doute à la renaissance) avec des armes et de la nourriture pour accompagner son voyage vers l'au-delà. Quant à l'agnosticisme et l'athéisme, ce ne sont que des inventions récentes dans l'Histoire de l'humanité.
Sortie de son terreau polémique, nous verrons successivement dans ce document les fondements de la religion, ses finalités et sa critique.
Les fondements de la religion
Comment définir la religion ?
Le mot latin religio a deux origines possibles: religare signifiant "relier" ou religere signifiant "recueillir".
Le premier sens rend compte du double-lien qui caractérise la religion:
La seconde étymologie renvoie à l'attitude spécifique qui précède la fréquentation du sacré.
En raison de cette ambiguïté étymologique, la définition de la religion doit englober d'une triple dimension:
Le profane et le sacré
La grande diversité des cultes religieux (les cultes publics des Dieux Grec, l'intériorité de la foi chrétienne, la spiritualité bouddhiste,...) a pour conséquence qu'il est très difficile de les qualifier par un adjectif unique. D'après Emile Durkheim (1858-1917), il est possible malgré tout les réduire à une forme élémentaire: l'opposition du sacré et du profane.
Le profane est la réalité ordinaire. La sphère sacré est un ensemble de lieux, d'êtres et de choses qui inspirent crainte et vénération car investis d'une signification divine. On ne peut les manipuler que de façon rituelle. Peuvent être sacrés des êtres, des lieux, des temps, des objets, des mots. Le sacré n'a de sens que par opposition au profane et son existence induit donc la notion de transgression: le sacrilège.
Les religions ne seraient donc que des déclinaisons multiples de cette forme élémentaire générale qu'est l'opposition profane/sacré.
L'institution religieuse
L'expérience du sacré, exprimant la dépendance et la reconnaissance de l'Homme envers des puissances qu'il ne connaît pas, s'est peu à peu organisée socialement en inventant l'espace de l'institution de la religion. Le sacré est ainsi devenu religion.
L'organisation de la religion se fait à deux niveaux:
Cette organisation à une double fonction:
Les finalités de la religion
La connaissance
Mythiques, révélés, sacrés, tous les écrits religieux prétendent énoncer la vérité. Avec la peur, Thomas Hobbes (1588-1679) faisait de la recherche des causes l'origine de la religion.
Auguste Comte (1798-1857), dans une vue panoramique de l'évolution de la société, faisait de la religion le premier de trois états ayant chacun pour but d'expliquer notre monde:
1. L'état théologique ou fictif: l'esprit explique les phénomènes par le pouvoir d'êtres divins.
2. L'état métaphysique ou abstrait: l'esprit remplace les êtres surnaturels par des entités abstraites comme l'Être ou la Nature.
3. L'état scientifique ou positif: l'esprit étudie les phénomènes par l'observation et l'expérience.
Si ces trois états sont successifs, ils peuvent tout aussi bien coexister.
Cet attachement de la religion pour la vérité l'a beaucoup desservi dans l'Histoire: Galilée ne peut qu'avoir raison contre le Livre de Josué et Darwin contre la Genèse. Aujourd'hui encore, certains fondamentalistes pensent que le Coran ou la Bible édictent des vérités scientifiques. Ainsi, quand a été formulée l'hypothèse du chimiste Cairns-Smith de Glasgow selon laquelle l'origine de la vie pourrait se trouver dans de l'argile ordinaire, il s'est trouvé certains musulmans pour exulter de triomphe en rappelant que pour le Coran, Adam fut créé à partir de l'argile (!).
La morale
Dans son Traité théologico-politique, Spinoza (1632-1677) montre que la parole des prophètes est de type parénétique (d'exhortation morale) et qu'elle ne doit donc pas être interprétée en terme de vérité. Mais déjà bien avant Spinoza, Giordano Bruno (1548-1600) donnera à la religion une fin exclusivement morale: « Mais dans les livres divins, ainsi qu'il apparaît clairement à tout le monde, l'objet n'est pas de faire profiter notre intellect de démonstrations et de spéculations touchant les choses naturelles, comme en philosophie; il s'agit bien plutôt de régler, par des lois dont notre esprit et notre sens reçoivent la grâce, un comportement d'ordre moral » (Le Banquet des cendres).
Friedrich Nietzsche (1844-1900) donne notamment pour finalité à la religion de rendre la vie supportable: « La religion et la signification religieuse de la vie pose un rayon de soleil sur ces hommes toujours malmenés et leur rend supportable même leur propre aspect » (Par-delà bien et mal). Henri Bergson (1859-1941) fera de la religion statique (religion protectrice, opposée à la religion dynamique) la ruse de la vie pour contrebalancer l'action dissolvatrice de l'intelligence, laquelle avec ses idées de mort et de sa conscience de l'imprévu, plonge l'individu dans la peur et l'angoisse.
L'ordre
Dans toutes les sociétés traditionnelles, la religion structure la vie sociale des Hommes et arbore une dimension politique lorsque l'Etat n'existe pas. La caste des prêtres et l'ordre du clergé ont souvent détenu le pouvoir suprême; quant au monarque ou à l'empereur, il tient généralement son autorité de Dieu: il est fils du Ciel (Chine) ou du Soleil (Egypte, Incas, Japon) ou encore le lieutenant de Dieu sur Terre (Europe).
D'autre part, il a été fait une analyse pertinente des points communs entre les Etats totalitaires et les religions. Dans l'Etat totalitaire, la croyance devient idéologie, le salut révolution, l'Eglise Parti, le messie chef, la messe réunion, et n'oublions pas le culte de la personnalité et les schismes.
De plus, considérées dans leur lien horizontal, les religions ont souvent rassemblé et soudé des hommes par une même conviction spirituelle: l'exemple le plus connu est l'umma des musulmans. Cette union ne va pas sans désunion: quand les religions ont rassemblé les hommes, c'était souvent pour les faire s'affronter (djihad, croisades).
Les critiques de la religion
L'aliénation de l'Homme
Dans son ouvrage L'Essence du christianisme, Feuerbach (1804-1872) constate un rapetissement de l'Homme a côté de son Dieu: le pauvre invente un Dieu riche, l'ignorant invente un Dieu omniscient, le faible invente un Dieu tout-puissant, etc. Selon Feuerbach, l'Homme se dépouille de ses qualités pour les attribuer à un Dieu imaginaire et par là se rend encore plus misérable.
Karl Marx (1818-1883) reprendra à contre-pied cette critique feuerbachienne: l'aliénation religieuse n'est pas la cause mais la conséquence de la pauvreté effective de l'Homme. Ainsi la fonction de la religion, telle que la voit Marx, est double: « La misère religieuse, est tout à la fois l'expression de la misère réelle et la protestation contre la misère réelle. » (Pour une critique de la philosophie du droit de Hegel). La religion sert selon Marx a soulager le peuple de ses souffrances, c'est en quelque sorte la consolation de l'esclave exploité, et tel est le sens de sa célèbre formule: « la religion est l'opium du peuple. »
Friedrich Engels (1820-1895), s'inspirant de Feuerbach, disait aussi de la religion qu'elle est « le reflet fantastique des choses humaines dans le cerveau de l'homme » (Dialectique de la nature). Cependant, dans son Anti-Dühring, il montrera une ferme opposition à la proposition de Dühring d'interdire la religion: « il lance ses gendarmes de l'avenir à la poursuite de la religion et ainsi il l'aide à accéder au martyre et prolonge sa vie. ». Et c'est effectivement ce qui s'est passé en URSS: il est probable que la religiosité ne s'y serait pas aussi bien maintenue si elle n'avait pas été autant combattue par les autorités.
Un instrument de faiblesse
La religion est un instrument à justifier la souffrance et à la créer. Elle dévalue le corps (au profit d'une âme imaginaire), elle dévalue la vie (au profit d'un au-delà imaginaire) et empoisonne l'existence avec ses idées de faute et de pêché. La religion en obligeant au jeûne, à la solitude et à la chasteté met le corps et l'esprit à rude épreuve, affaiblissant ainsi le croyant. De plus, la souffrance est interprétée comme un châtiment divin (je souffre, donc je suis puni, donc je suis coupable). Il faut que nous naissions coupables ou sinon Dieu serait alors injuste remarquait Pascal. Le châtiment (imaginaire) se met à précéder le crime. Avant même Freud (1856-1939) et l'avènement de la psychanalyse, Nietzsche parlait déjà ainsi de « névrose religieuse ».
L'illusion religieuse
La théorie de la religion comme imposture date des Lumières (bien que l'on retrouve cette idée bien auparavant). Voltaire disait crûment que la religion existe « depuis que le premier hypocrite a rencontré le premier imbécile ». La religion est ainsi pensée comme un fatras de dogmes, de superstitions et de rites maniaques.
Freud utilise les mêmes mots de rites et de cérémonials a propos de la religion et de la névrose obsessionnelle car leurs signes sont équivalents (le formalisme, la symbolique, la répétition). Il y voit la projection de désirs surgis dans l'enfance: Dieu ne serait que la transfiguration de la figure paternelle, rassurante, protectrice et ayant « réponse à tout ». Le mythe de la Vierge Marie correspondrait aussi au désir infantile d'avoir sa mère pour soi tout seul (l'enfant ne pouvant admettre le partage avec ses frères et soeurs et même pire, le fait qu'elle puisse avoir des relations sexuelles avec son père). La perte de foi actuelle chez les jeunes serait ainsi la conséquence de l'écroulement de l'autorité paternelle.
Qu'en est-il du religieux aujourd'hui ? Nous pouvons constater qu'il dérive autour d'une tendance double et contradictoire: le repli sur soi et l'ouverture au monde (mondialisation « spirituelle »). D'un côté les fondamentalistes qui souhaitent retourner à la religion dans son état « pur » (essentiellement pour l'Islam) et de l'autre des individus qui constituent leur propre agrégat de croyances personnelles: ainsi en est-il des chrétiens qui croient en la réincarnation. Est-ce un signe de métamorphose ou d'agonie ? Force est de constater que certains cultes religieux ont été remplacés par des cultes laïcs: les protestants des Etats-Unis rejettent, en tant que protestants, le culte de la Vierge, des saints et des images mais ont adopté à la place le culte des stars de cinéma (exporté en Europe). Le spiritisme, la magie, l'attrait pour le paranormal ont remplacé en Europe et aux USA l'aspect surnaturel du christianisme (il se trouve qu'il y a bien plus d'européens qui croient en la télépathie qu'aux miracles du Christ). Ainsi, on est en droit de penser que ce n'est sans doute pas autour du religieux que les hommes se rassembleront à l'avenir.
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