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La vie se définit à la fois par son opposition à l'inerte et à la mort. Mais comment caractériser la vie ? D'un point de vue matérialiste, la vie n'est que le simple résultat de processus physico-chimiques; il est inutile d'en appeler à un Dieu tout-puissant ou à une hypothétique âme. La notion de « force vitale » dont certains philosophes faisaient appel pour expliquer la dynamique de la vie a été reléguée au rang de la métaphysique, demeurant extérieure à l'esprit scientifique. Poussés par leur soif de connaissances et leur curiosité, les biologistes ont observé, expérimenté sur le vivant et ont dégagé des lois. Le développement de la biologie a par ailleurs posé de nombreux problèmes éthiques, le vivant (et en particulier l'Homme) arborant une certaine dimension « sacrée ».
Les particularités de la matière vivante
Le phénomène vivant: vitalisme et mécanisme
D'un point de vue matérialiste, la vie n'est que de la matière organisée. Si l'on part de ce postulat, comment définir une frontière entre le vivant et l'inerte ? Quels sont les aspects qui permettent de différencier le phénomène vital du phénomène matériel ?
Aristote (384-322 av. J.C.), dans le cadre de sa représentation finaliste de la Nature, croit pouvoir affirmer que c'est en raison de la présence de l'âme que la matière vivante se différencie de la matière brute. Si l'on ne tient pas compte de l'âme, dit-il, c'est-à-dire si l'on n'examine que la forme extérieure d'un corps et sa structure, on en vient à confondre un homme vivant et un homme mort, puisque leurs formes sont bien semblables. Ainsi, le naturaliste doit plutôt insister sur l'âme que sur le corps, car observer uniquement le corps reviendrait à ne voir que des effets sans cause.
René Descartes (1596-1650) est en désaccord avec cette vision du vivant. Il ne reconnaît pas l'existence de l'âme chez les animaux, ne voyant en eux que des machines très sophistiquées (théorie de l'animal-machine). Ce qui distinguerait l'Homme de l'animal serait ainsi la présence de l'âme (l'Homme serait doté d'une double nature: le corps et l'âme).
Réduire le vivant à un fonctionnement purement mécanique ne semble pas possible pour Emmanuel Kant (1724-1804): il manque aux machines des caractéristiques qui sont présentes dans le vivant. Prenons par exemple une montre: elle ne peut pas engendrer une autre montre, elle est incapable de se réparer elle-même, ou d'améliorer son fonctionnement. Il faut donc distinguer la force motrice, présente dans les machines, de la force formatrice, qui est caractéristique des êtres organisés.
Ordre et désordre
Une voiture laissée à l'abandon pendant des années se dégradera; et si elle est rouillée, on ne la verra pas se repeindre toute seule. Or l'organisme vivant doit s'auto-sauvegarder, voire se développer face aux assauts du temps. Le monde inerte est régit par une entropie croissante (seconde loi de la thermodynamique): un système matériel tend plutôt vers le désordre. Le monde vivant rentre en contradiction avec la seconde loi de la thermodynamique et tend au contraire à se développer. Pour lutter contre le désordre (l'entropie), le vivant doit puiser de l'énergie dans son environnement pour se maintenir en vie (exemple de la photosynthèse chez les plantes). Les organismes vivants sont donc ouverts sur le monde extérieur en raison de leur besoin d'échanges matériels avec le milieu. On parle d « anabolisme » pour désigner léchange chimique entre le vivant et son milieu dans labsorption. Le « catabolisme » est le phénomène inverse: le rejet des substances usées.
Unité et diversité du vivant
Les êtres vivants partagent un certain nombre de propriétés communes:
Cependant, chaque individu est unique puisque la reproduction sexuée entraîne la fusion des programmes génétiques des parents en un nouveau programme (le nombre de combinaisons possibles est extrêmement élevé). Comme le fait remarquer Albert Jacquard (né en 1925), les Hommes sont à la fois tous profondément semblables et différents. Paradoxalement, le vivant parvient à maintenir son unité tout en se transformant et se diversifiant de façon illimitée.
L'évolution du vivant
Du transformisme au néo-darwinisme
- Du transformisme à Lamarck
Si la thèse du fixisme (immuabilité des espèces) est jusqu'au XVIIIème siècle admise par les savants d'autant plus qu'elle concorde avec le récit biblique de la Création, les différentes classifications du vivant, la découverte de fossiles d'espèces disparues, les observations de mutations d'espèces végétales ébranlent la théorie et font progresser le transformisme qui trouve sa formulation scientifique au XIXème siècle.
Le français Jean-Baptiste Lamarck (1744-1829) expose pour la première fois une théorie de l'évolution rigoureuse dans sa Philosophie zoologique (1809). Il a également proposé en premier une théorie des mécanismes de l'évolution basée sur l'hérédité des caractères acquis. Ainsi, il pensait que les girafes devaient leur long cou aux efforts d'étirement de générations en générations pour atteindre les branches les plus hautes des arbres. Chaque millimètre gagné par génération étant transmis à la descendance. Aujourd'hui, on sait que cette théorie est fausse; et la théorie dominante dans le milieu scientifique est celle de Charles Darwin (1809-1882).
- Le darwinisme
Darwin consacre les premiers chapitres de De l'origine des espèces (1859) à établir les trois faits suivants:
La sélection naturelle devient alors une conséquence de ces trois faits: si un certain nombre de descendants sont condamnés à mourir, et si, dans chaque espèce, les individus présentent entre eux des variations, alors, statistiquement, les survivants sont les individus dont les variations sont par chance mieux adaptées aux changements de l'environnement local. Par le biais de l'hérédité, les descendants des survivants tendent à ressembler à leurs parents. Au fil du temps, l'accumulation de ces variations avantageuses produit un changement évolutif. Ainsi, la variation propose, la sélection choisit.
L'idée de variation sera remplacée par le phénomène des mutations attesté par la génétique moderne.
Les implications philosophiques du néo-darwinisme
La théorie darwinienne de l'évolution est basée sur des postulats matérialistes: aucune place n'est réservée à l'esprit, seule la matière existe. L'esprit tel que nous le concevons n'émerge que de la matière, voire n'est qu'un épiphénomène. Les mutations, entraînant des variations héréditaires dans le vivant, sont purement aléatoires et quelconques. La sélection naturelle explique l'adaptation des êtres vivants à leur milieu sans qu'intervienne à aucun moment une intelligence directrice.
Quant à la finalité, elle n'existe pas, et si nous croyons la déceler, c'est que nous sommes face à une image fallacieuse (Jacques Monod).
Le finalisme dans l'évolution
Face à vision purement matérialiste de l'évolution est apparu un mouvement de pensée qui pose une finalité à l'évolution. Il se base sur l'idée que l'évolution n'est qu'un accroissement permanent de la complexité et du psychisme et renverse du coup les perspectives: l'homme ne descend pas du singe mais la nature monte vers l'homme (c'est-à-dire que notre conscience n'est pas le fruit du hasard mais un but de l'évolution).
Pour couper la racine du hasard, à l'origine de la conception matérialiste de l'évolution, ces biologistes essaient de créer un retour du lamarckisme ou de montrer que l'évolution est canalisé (et que finalement le hasard n'est qu'un outil au service de la finalité), sans succès pour le moment: la biologie évolutive reste matérialiste.
Les problèmes éthiques de la biologie
Le concept de manipulation en biologie
Manipuler, c'est transformer une matière de manière à ce qu'elle réponde à nos voeux. Plusieurs motifs peuvent amener à des manipulations sur le vivant:
Juger une manipulation doit avant tout se faire en jugeant le ou les motifs (avoués ou inavoués) qui ont conduit à cette manipulation. Il s'agit en premier lieu d'un problème moral (et non technique ou scientifique).
Un droit des animaux ?
La « Déclaration universelle des droits de l'animal », rédigée en 1978, affirme dans son Préambule que « tout animal possède des droits » et que « la vie est une, tous les êtres vivants ayant une origine commune et s'étant différenciés au cours de l'évolution des espèces ». Jeannine Chanteur pointe le caractère confus de ces affirmations dans Du droit des bêtes à disposer d'elles-mêmes (1993): comment fonder une éthique du respect des animaux sur l'unicité de la vie, dont la loi fondamentale est la sélection du plus fort ?
Aussi, parmi tous les êtres vivants, seul l'Homme a des devoirs: l'animal n'en a aucun. Si la notion de droit repose sur la réciprocité de la relation, on peut se demander si la notion de droit de l'animal a un sens. Pour Jeannine Chanteur, accorder des droits aux animaux, c'est reconnaître implicitement une égalité entre l'Homme et l'animal, et ainsi humaniser l'animal et animaliser l'humain (c'est-à-dire le déshumaniser).
Cependant, l'éthique de la responsabilité nous amène à limiter les conséquences néfastes de nos progrès scientifiques et industriels. On ne peut pas tout faire subir aux animaux, et plus généralement à la nature. On peut donc aussi comprendre la nécessité d'une législation réprimant les souffrances inutiles envers les animaux ou imposant aux pollueurs un devoir de réparation à l'égard des dommages causés à la nature.
Le problème de la bioéthique
Devant le développement croissant des possibilités de maîtrise de la vie s'est imposée la nécessité de légiférer pour empêcher le développement de pratiques anarchiques, dangereuses ou immorales en biologie.
Cependant, la bioéthique se heurte à plusieurs problèmes majeurs. Le principal obstacle est l'absence de consensus. La multiplicité des opinions et le souci de ne pas réglementer de manière arbitraire laisse souvent le soin aux individus eux-mêmes de définir le permis et l'interdit. Notre époque a de plus plutôt tendance à prêcher dans le sens de la relativité des valeurs que celui de la définition de normes morales universelles. On dira par exemple que c'est notre morale « chrétienne » qui nous fait refuser l'euthanasie, l'avortement ou le clonage.
Le débat sur la nature de l'embryon dans le cadre de l'IVG est représentatif de cette relativité des valeurs. Ainsi, la question de la nature de l'embryon suscite trois types de réponses inconciliables:
Par conséquent, au nom de quelle morale peut-on limiter les manipulations biologiques ? Une réponse facile et très largement sollicitée pour éviter le problème est de considérer que ce qui est utile est moral. Mais dans ce cas, ne serait-ce pas adapter la morale à la technique ?
L'être vivant est donc un système auto-organisé, auto-normé, qui jouit d'une autonomie relative à l'égard de son milieu. Allant à rebours de la seconde loi de la thermodynamique, il se maintient, se développe et se complexifie. Il n'est donc pas réductible à une machine comme l'a montré Kant. Si aujourd'hui nous connaissons beaucoup mieux le vivant, remarquons que nous sommes incapable de le créer à partir de l'inerte. L'apparition de la vie reste encore une énigme au même titre que le passage du rien à la matière.
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