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Le problème de l'induction

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Modifié : 25/09/2009 à 16h00

Le raisonnement inductif est présent dans notre vie de tous les jours. Il est même à la base du savoir scientifique. C'est grâce à lui que nous pensons que le soleil se lèvera demain matin. Mais d'après le philosophe David Hume, le passé ne fournit aucune preuve logique sur ce qui va se passer à l'avenir, et ainsi nous n'avons aucune raison de penser de manière certaine que le soleil se lèvera demain matin.


Qu'est-ce qu'un raisonnement inductif ?

La déduction: du général au particulier

La forme de raisonnement la plus fiable est la déduction. Elle consiste à partir d'un principe général vrai (« tous les hommes sont mortels »), à poser un cas particulier (« Socrate est un homme ») et à en tirer logiquement la conclusion qui s'impose (« Donc Socrate est mortel »).
On peut le formuler de différentes façons qui sont toutes équivalentes:
1. Tous les hommes sont mortels.
2. Socrate est un homme.
3. Donc, Socrate est mortel.
Ou encore:
1. Socrate est un homme.
2. Or, tous les hommes sont mortels.
3. Donc Socrate est mortel.

Les deux premières propositions sont appelées « prémisses », la dernière est la conclusion.
Un raisonnement déductif valable est toujours vrai. Si les prémisses sont vraies et la conclusion est fausse, alors nous sommes face à une contradiction. Les sophistes grecs ont proposé des raisonnements déductifs de cette sorte:
1. Toutes les choses rares sont chères.
2. Un cheval bon marché est rare.
3. Donc un cheval bon marché est cher.
Se pourrait-il que les raisonnements déductifs amènent des conclusions fausses ? Non, ce n'est pas le cas, car dans cet exemple, la prémisse n°1 est fausse: une chose rare n'est pas forcément chère, et si nous pensons intuitivement que cette prémisse est vraie, c'est uniquement parce que nous sommes trompés par un sentiment d'habitude (généralement, ce qui est rare est cher, mais pas toujours). La conclusion elle-même donne l'exemple d'une chose rare qui n'est pas chère.

L'induction: du particulier au général

Le raisonnement inductif s'oppose au raisonnement déductif dans le sens où l'on part de cas particuliers pour en tirer une conclusion générale. Les prémisses d'un raisonnement inductif ne sont pas des garanties logiques que la conclusion est vraie. Un exemple de raisonnement inductif est:
1. Le cygne n°1 est blanc.
2. Le cygne n°2 est blanc.
3. Le cygne n°3 est blanc.
4. Et ainsi de suite...
5. Le cygne n°1000 est blanc.
6. Donc tous les cygnes sont blancs.

En observant que les 1000 premiers cygnes sont blancs, nous en tirerons la conclusion que tous les cygnes sont blancs. Mais il n'y a aucune contradiction logique à supposer que le prochain cygne ne sera pas blanc, même si les 1000 premiers étaient blancs. Il se peut logiquement que le cygne n°1001 soit noir. Un seul cas particulier qui déroge à la règle suffit à faire s'effondrer le raisonnement inductif en question.

La faiblesse de l'induction

Les hommes, et en particulier les scientifiques, s'appuient constamment sur des raisonnements inductifs. A chaque fois que nous faisons une prédiction sur l'avenir ou sur les choses nous nous fondons sur le raisonnement inductif.
Le philosophe écossais David Hume (1711-1776) a été l'un des grands penseurs à montrer le manque de fiabilité de l'induction, qu'il considère comme un pari imprudent, et même intenable. Selon Hume, l'induction n'a pas un fondement logique mais psychologique (le sentiment d'habitude). La science, parce qu'elle procède par induction, ne peut pas apporter de certitude absolue sur ce qu'elle étudie, elle est ainsi ramenée dans le champ de la croyance (la croyance en la fiabilité de l'induction). « Toute connaissance dégénère en probabilité. » dit Hume.

Certes, il est très probable que le soleil se lève demain, affirme Hume, mais il n'est pas impossible qu'il ne se lève pas. Jusqu'à présent, il s'est levé tous les jours donc nous en tirons la conclusion qu'il se lèvera demain, mais c'est un raisonnement inductif, donc basé non pas sur la logique, mais seulement sur l'habitude. Rien ne nous dit que le futur ressemblera au passé, et il est donc ni logiquement ni physiquement impossible de penser que le soleil ne se levèra pas demain, même si cette assertion nous paraît invraisemblable. Bertrand Russell dira que le raisonnement inductif est le raisonnement que tient le poulet lorsqu'il associe la main du fermier au grain qui le nourrit, jusqu'au jour où cette même main lui tordra le cou.
« Ce n'est pas la raison le guide de la vie, mais l'habitude seule qui détermine l'esprit, en toutes circonstances, et permet de supposer que le futur sera conforme au passé. » (Hume).


Peut-on dissiper le problème de l'induction ?

La Nature est-elle uniforme ?

David Hume pense que chaque fois que nous procédons à un raisonnement inductif, nous supposons que la Nature est uniforme. Sans cette supposition, le raisonnement inductif s'effondre. Si je crois que le Soleil se lèvera demain, c'est parce qu'il s'est toujours levé par le passé, et donc qu'il se levèra tous les matins futurs uniformément. Nous formulons ainsi l'hypothèse que les mêmes régularités s'étendent à toute la Nature, y compris à l'avenir.

Ainsi, pour déclarer fiable l'induction, il faudrait démontrer que la supposition que la Nature est uniforme est vraie. Est-ce possible ? Hume donne deux possibilités pour tenter de justifier que la Nature est uniforme: d'une façon logique et d'une façon empirique.
Mais l'induction n'est malheureusement pas une vérité logique. Il n'y a pas de contradiction logique à penser que, si la Nature a été jusqu'à présent uniforme, elle puisse du jour au lendemain devenir chaotique, un espace où des événements se produisent de manière aléatoire et imprévisible.
Peut-on alors démontrer l'uniformité de la Nature empiriquement ? Il n'y a en fait qu'une seule manière d'y parvenir: observer toute la Nature directement et voir si elle est uniforme ou non. C'est évidemment impossible. Tout d'abord parce que seulement une infime partie de l'univers est observable. Qu'est-ce qui nous dit que les mêmes lois qui s'appliquent ici s'appliquent aussi dans tous les recoins inconnus de l'univers ? Enfin, l'avenir n'est certainement pas observable, et rien ne nous prouve que les lois de la Nature sont immuables: « Supposer que le futur ressemble au passé n'est fondé sur aucun argument mais découle entièrement de l'habitude. » (Hume)

Peut-on alors affirmer, que si la Nature est uniforme dans le champ observable et jusqu'à présent, il n'y a aucune raison de penser qu'elle ne soit pas partout et à l'avenir ? Cela revient à faire appel à l'induction pour justifier l'induction. C'est un raisonnement circulaire qui ne peut rien justifier du tout.

Peut-on démontrer la fiabilité de l'induction par sa fécondité ?

La deuxième objection que l'on opposer à Hume est que l'induction a fait ses preuves. En s'appuyant sur le raisonnement inductif, les scientifiques ont accompli des choses extraordinaires, inimaginables il y a encore peu de temps: construire des ordinateurs très sophistiqués, envoyer des hommes sur la Lune, manipuler génétiquement les êtres vivants, etc.
Mais il s'agit encore une fois d'un raisonnement inductif. Nous supposons que le raisonnement inductif a toujours très bien fonctionné par le passé, et que cela sera donc forcément de même pour l'avenir. On retombe dans le piège de la circularité: faire appel à l'induction pour justifier l'induction.



Alors que nous pensions être certain des savoirs scientifiques et pouvoir en tirer des conclusions sur l'avenir, Hume montre que la science ne repose en réalité que sur une croyance, celle en la fiabilité du raisonnement inductif. Même dans le savoir le mieux établi, la part de croyance est ainsi irréductible. Si l'on adopte une posture radicale, on peut même aller jusqu'à affirmer que les prédictions de nos scientifiques ne sont pas plus rationnelles que celles des fous. Le problème de l'induction a poussé certains scientifiques a chercher d'autres moyens d'établir une vérité.

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