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Malebranche, en écrivant que « nous n'avons point d'idée claire de notre âme, mais seulement conscience ou sentiment intérieur » a fait de la conscience une réalité vague, aux contours flous. Lalande a définit la conscience comme « l'intuition qu'a l'esprit de ses états et de ses actes » mais indique que cette définition « ne peut être qu'approximative ».
Saint-Augustin fut le premier à définir la conscience comme une certitude: « Si je me trompe, je suis. ». Comment pourrais-je me tromper en pensant que je suis puisqu'il est certain que je suis si je me trompe ? Descartes dira en écho « Je pense donc je suis » car pour penser, il faut exister en tant qu'être pensant. Ainsi, la conscience est paradoxalement l'élément à la fois le plus évident et le plus mystérieux de nos esprits. Qu'est-ce que vraiment la conscience ? Se trouve t'elle au-dessus des réalités physiques ? Ou est-elle physique elle aussi ?
Formes, degrés et unicité de la conscience
Les formes
On peut faire de la conscience une notion très vaste et très ouverte, en l'élargissant à l'excitabilité (le plus bas degré de la sensibilité), ou, au contraire, en la réservant aux formes les plus élaborées du psychisme comme l'a fait Feuerbach: la réflexion et la conscience de soi.
La typologie la plus courante concernant la conscience est celle-ci:
Un exemple de conscience d'objet pourrait être: « je sens le goût et la texture de cette pomme que je croque. ». La conscience de soi serait alors: « je suis conscient de sentir le goût et la texture de cette pomme que je croque. ». Dans le premier cas, on sait. Dans le second, on sait que l'on sait.
Kant a divisé la conscience de soi en deux sous-catégories:
L'aperception transcendantale est la conscience du sentiment de son existence en tant qu'être réfléchi. « Le premier sentiment de l'homme fut celui de son existence. » écrit Rousseau dans son Second Discours.
Les degrés
Y-a t'il des degrés dans la conscience ? Est-ce un phénomène continu ou suit-il la loi du « tout ou rien » ? La neurophysiologie a montré qu'entre l'état de veille (où l'attention est la plus vive) et l'état de sommeil profond existent toute une série d'états intermédiaires correspondant à des périodes d'activité spécifique du cerveau. Chez l'Homme existe donc des degrés de conscience.
Et sur l'Arbre de la vie ? « Dans toute l'étendue du règne animal, la conscience apparaît comme proportionnelle à la puissance de choix dont l'être vivant dispose » écrit Henri Bergson (1859-1941) dans L'Evolution créatrice. « Il me paraît donc vraisemblable que la conscience, originellement immanente à tout ce qui vit, s'endort là où il n'y a plus de mouvement spontané, et s'exalte quand la vie appuie vers l'activité libre » (L'Energie spirituelle).
L'unicité de la conscience
L'une des caractéristiques de la conscience est son unicité. Par exemple, lorsque l'on regarde un tableau, on fait une expérience. Mais cette expérience n'est pas partagée par les autres personnes qui regardent ce même tableau.
On serait tenté d'objecter que si l'on reliait, dans une expérience imaginaire, deux systèmes nerveux, de telle façon à ce que chacun des deux reçoive exactement les mêmes stimulis sensoriels que l'autre, l'aspect unique de la conscience serait réfuté. Ce ne serait pas le cas car dans cette expérience imaginaire, chaque système nerveux vivrait une expérience identique à celle de l'autre système nerveux, mais chacun des deux systèmes nerveux vivrait tout de même sa propre expérience.
En 1974, le philosophe américain Thomas Nagel analysa l'aspect intime et unique de la conscience dans son article What is it like to be a bat ? Il y demande ce que c'est de faire l'expérience du monde du point de vue d'un autre être vivant. Il prend dans l'article l'exemple de la chauve-souris. Celle-ci « voit » la nuit grâce à l'écholocation, ainsi elle est capable de connaître en détail son environnement. Nagel conclut que nous aurons beau étudier le corps et le cerveau de la chauve-souris, même en en ayant une connaissance parfaite, nous ne pourrons jamais savoir ce que c'est vraiment que d'être une chauve-souris.
La conscience et le corps
Le dualisme
- Deux substances: l'esprit et la matière
Certains philosophes ne peuvent admettre que la conscience soit uniquement la conséquence de notre activité cérébrale. Ainsi dit Malebranche, « Supposons le cerveau agrandi à la dimension d'une horloge, de manière à ce que nous puissions nous promener dans ses rouages. Nous y verrions des roues qui s'entraînent les unes les autres. Nous n'y verrions rien qui nous explique la pensée se pensant elle-même (autrement dit, la conscience). ». Henri Bergson dira de la même façon qu'une main ne se prend pas elle-même, qu'un estomac ne se digère pas, mais qu'en revanche le cerveau présente cette étrange particularité de pouvoir être l'objet de sa propre fonction: c'est-à-dire qu'il possède cette étonnante capacité de se penser lui-même.
- Le problème de l'interaction entre l'esprit et le corps
Un problème persiste si l'on admet le dualisme. Comment le corps et l'âme interagissent-ils ? Comment l'esprit immatériel et le corps physique, le premier hors de l'espace et le second dans l'espace, pourraient-ils communiquer ?
Descartes a répondu à ce problème avec sa conception de la glande pinéale. La glande pinéale serait un minuscule organe situé près du centre du cerveau, emplie d' « esprits animaux » capables de contrôler mécaniquement le corps et de communiquer à l'âme les perceptions du corps.
Malebranche et Leibniz chercheront aussi à résoudre l'énigme mais feront appel à une hypothèse encore plus « encombrante »: l'intervention de Dieu qui exerce son pouvoir en mettant en phase le corps et l'esprit. Leibniz, rejetant la théorie d'une interaction entre le corps et l'esprit (qu'il trouve inutile), pense que le corps et l'âme sont deux horloges simultanées réglées une fois pour toute par Dieu.
Au XXème siècles, grâce aux avancées de la science, plusieurs scientifiques de renom tel Penrose ont pensé que la solution au mystère de la conscience se trouvait dans la mécanique quantique, physique qui paradoxalement dématérialise la matière. La matière est désormais comprise comme énergie et champs d'énergie, ce qui semble la rapprocher de la nature de l'esprit. Sir John Eccles (1903-1997), prix Nobel de physiologie et de médecine pour ses travaux sur la synapse (connexion entre les neurones), a montré, avec l'aide de Beck, que la communication entre les neurones rentrait dans le cadre de la physique quantique et que la probabilité de transmission d'un message d'un neurone à un autre peut être augmentée ou diminuée sans que cela constitue une violation des lois de conservation de l'énergie, car les masses mises en jeu sont suffisamment petites pour rentrer dans les incertitudes qui existent sur le plan quantique. Pour Eccles, l'esprit est comme un scanner qui lit l'état d'activation des neurones et qui influence cette activation d'une façon analogue à un champ de probabilité quantique (champ qui n'a ni masse ni énergie, mais qui exerce pourtant une influence causale en modifiant la probabilité que certaines événements se produisent). Ainsi selon Eccles, « le cerveau est une machine qu'un fantôme peut faire marcher. ».
Le monisme spiritualiste
Plus déroutante encore est la théorie du monisme spiritualiste (ou spiritualisme). Elle considère que la matière n'est qu'un épiphénomène de l'esprit: il n'y a donc qu'une substance qui est l'esprit et la matière n'est rien d'autre qu'un mot. L'esprit ne peut donc pas être « logé » dans le corps, puisque celui-ci n'existe pas à proprement parler. Pour le néo-platonicien Plotin, le corps est un filé jeté sur l'océan de l'esprit.
Cette position métaphysique se retrouve dans les théories de Berkeley. Selon ce dernier, notre monde que l'on dit matériel n'est rien d'autre que l'émanation de Dieu: la perception est l'effet que produit sur l'esprit un autre esprit qui n'est autre que Dieu. Ainsi, quand nous voyons un rocher ou lorsque nous entendons un son, nous ne sommes pas en contact direct avec le monde mais nous opérons, à partir de nos perceptions, une traduction analogue à celle que nous faisons lorsque nous comprenons la signification d'un énoncé.
Le monisme matérialiste
Au sens philosophique, le matérialisme (ou monisme matérialiste) désigne toute pensée selon laquelle la totalité du réel est de nature matérielle ou bien un produit de la matière. Presque toujours, il rejette l'existence de Dieu, de l'au-delà, et lorsqu'il admet l'existence d'une âme, c'est pour la réduire à un phénomène matériel (Epicure). La thèse de la conscience comme illusion est inséparable du matérialisme. La Mettrie concluait son ouvrage L'Homme-machine (1748) par l'affirmation « qu'il n'y a dans tout l'univers qu'une seule substance diversement modifiée. ». En 1802, Cabanis énonça une formule qui restera célèbre en tant que symbole du matérialisme biologique: « Le cerveau sécrète la pensée comme le foie la bile. ». Plus récemment, le neurophysiologiste Jean-Pierre Changeux affirma que nous ne sommes rien de plus « qu'un paquet de neurones ».
Selon le matérialisme, la conscience émerge du cerveau mais n'est pas indépendante du cerveau. Certains matérialistes radicaux vont jusqu'à dire qu'elle n'est qu'un épiphénomène, et qu'elle n'a aucun pouvoir sur le corps: elle est produite par le cerveau mais n'a aucune influence sur ce dernier, telle une ombre projetée par une machine. Gilbert Ryle dit qu'affirmer que l'esprit est distinct du corps ce serait comme affirmer qu'un régiment est distinct des soldats qui le composent.
Selon les behavioristes logiques, l'esprit n'est pas au-dessus d'un ensemble de dispositions physiques complexes appartenant au corps matériel. Posséder un esprit, ce serait simplement se comporter d'une façon particulière: souffrir, pleurer, etc. Introduire un esprit dans le corps est comme introduire « un fantôme dans la machine », c'est quelque chose de mythique et de superflu.
Après avoir vu les différentes théories sur le rapport entre la conscience et le corps, on peut légitimement se demander si la conscience peut apparaître dans une machine. Peut-on réduire le cerveau à une machine logique ? Selon les béhavioristes logiques, la conscience peut être assimilée à un comportement. Dans ce cas, on pourrait dire d'une machine suffisamment sophistiquée qu'elle pense. Cependant, Roger Penrose a montré que certains de nos raisonnements ne sont réductibles à aucun algorithme. La question de la possibilité d'une émergence de la conscience dans une machine reste donc ouverte.
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