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La technique

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Modifié : 01/05/2010 à 14h24

La technique désigne l'ensemble des moyens matériels (du silex à l'ordinateur) par lesquels l'Homme répond à ses besoins matériels. On observe un début de technique chez certaines espèces animales: les singes ou certains oiseaux utilisent des objets (brindilles, pierres,...) pour acquérir la nourriture recherchée. Mais la transformation radicale du milieu naturel par la technique est spécifique à l'espèce humaine.
Quant à l'Homme, il a une attitude ambiguë envers la technique: d'un côté il loue ses bienfaits (confort matériel), d'un autre il déplore ses désastres (destruction de l'environnement).

Dans ce document sont exposés les liens entretenus par la science et la technique, la puissance de la technique sur la nature et l'homme, et l'évaluation de la technique.


La science et la technique

La technique a précédé la science

Les premiers outils témoignent de l'apparition de l'Homme sur terre. Henri Bergson (1859-1941) distingue l'Homo faber (l'homme qui fabrique des outils) de l'Homo sapiens (l'homme qui pense, qui travaille intellectuellement). L'Homo faber précède nécessairement l'Homo sapiens: avant de penser, il faut vivre. Le travail s'est d'abord manifesté sous son aspect matériel (silex, lance, faucille,...), lorsqu'il a fallu répondre aux besoins élémentaires des groupements humains (manger, se protéger,...), et à une époque où la science ou la philosophie n'existaient pas encore. La pratique a précédé la théorie, le travail manuel le travail intellectuel.

Ainsi, les Polynésiens ont construit des pirogues sans rien savoir de la physique des fluides, les Gaulois ne connaissaient pas la capacité de leurs tonneaux et les Egyptiens n'étaient pas des géomètres. Cela ne signifie pas que ces peuples n'avaient aucune connaissance de la Nature, mais qu'ils en avaient une vision qui n'était pas scientifique.

La technique moderne, application pratique de la science

Si l'on peut fabriquer une hache ou même construire une pirogue sans la moindre connaissance scientifique, il n'en va pas de même pour un téléviseur. Il n'y a pas de machine complexe aujourd'hui qui ne doit en aucune manière son existence à des travaux scientifiques. Le transistor ou l'ordinateur doivent leur existence à des découvertes scientifiques.
« On ne commande à la nature qu'en lui obéissant » disait le philosophe anglais Francis Bacon (1561-1626): c'est en étudiant les lois de la Nature que l'Homme peut la maîtriser par la technique. Sans technique, la science serait impuissante, elle n'aurait pas de raison d'être (si l'on excepte la curiosité naturelle).

La science, redevable de la technique

Cependant, si la technique moderne est une application de la science, la technique peut permettre aussi des découvertes scientifiques. Ainsi, la technique du verre, en permettant la fabrication d'outils scientifiques (éprouvette, baromètre, thermomètre, lentilles de microscope, ampoule électrique, etc.), a très largement facilité la recherche scientifique, à un tel point même que des historiens attribuent le retard de la Chine dans le domaine des sciences à son ignorance du verre. Tout comme il n'y a pas de mesure précise sans appareil de mesure, il n'y a pas de science sans technique.

La synthèse de la technique comme application de la science et de la science comme redevable de la technique forme une relation réciproque, une dialectique entre la science et la technique.


La puissance de la technique

Sur la nature

Plutôt que de subir les lois et les « caprices » de la nature (intempéries, sécheresses,...), l'Homme, grâce à la technique, à réussi à la transformer, la modeler, la dominer. C'est pour échapper aux aléas de la nature que les Hommes sont passés de la cueillette et de la chasse à l'agriculture et à l'élevage. La technique permet de se rendre « maître et possesseur de la nature » selon l'expression de Descartes. Grâce à la technique, l'Homme fait le monde à son image. La technique éloigne le hasard: il suffit de songer au plan des routes et des villes, à la régularité des champs cultivés devant le chaos d'une forêt vierge.

Sur la culture

Il n'y a pas lieu d'opposer la technique à la culture: la culture est modelée par la technique (l'écriture ou l'outil le prouvent).
Si l'Homme fait la technique, la technique change l'Homme en transformant son mode de vie jusqu'à ses idées et ses valeurs. En domestiquant le feu, l'Homme n'améliora pas seulement sa qualité de vie: la réunion des Hommes autour du feu favorisa probablement l'émergence du langage et la socialisation de la communauté. Tous les hommes de guerre du Moyen-Âge voyaient le courage, l'honneur et la pitié comme les valeurs suprêmes; aujourd'hui comment ces valeurs pourraient-elles demeurer prééminentes avec l'existence des armes de destruction massive ?
L'Homme est donc influencé par les conditions notamment techniques de son action: les valeurs de la précision, de la rapidité, de l'efficacité sont toutes issues du milieu technique. L'individu devant son ordinateur ou au volant de sa voiture n'est pas le même que celui qui vit en pleine nature. La technique fait donc la culture.


Apologie et critique de la technique

La technique libératrice

Puisqu'elle est un instrument de puissance, la technique libère: l'Homme n'a plus à craindre les famines, le froid ou les bêtes sauvages.
Aristote (384-322 av. J.C.) disait que si les navettes à tisser pouvaient marcher toutes seules, il n'y aurait plus besoin d'esclaves. Bien sûr, il ne croyait pas du tout qu'une telle chose serait possible un jour (ce propos avait pour but de montrer la nécessité de l'esclavage). De même, l'état de servitude des galériens n'a pas pris fin pour des raisons morales mais par l'invention du bateau à vapeur. Ainsi, comme le remarque Denis Diderot (1713-1784), c'est plus à la technique qu'aux sermons que nous devons une bonne part de notre liberté.

Il n'est donc pas très pertinent d'opposer la liberté à la forme moderne de l'esclavage que constituerait le machinisme. Karl Marx (1818-1883) ne procède d'ailleurs pas à une critique des machines en elles-mêmes mais des divisions sociales du travail, véritable source d'aliénation des travailleurs. La technique, loin d'entraver la liberté humaine, agit en sa faveur.

La technique destructrice

De l'environnement

La puissance de la technique en a fait un instrument de destruction de l'environnement. La déforestation ou la pêche industrielle n'auraient pas été possibles sans la technique. Remarquons aussi le lien de complicité (établi dès les origines) entre la technique et la guerre: c'est ainsi à la Seconde Guerre Mondiale que nous devons l'ordinateur, le transistor et le radar.

Cependant, si la technique est destructrice, elle ne doit pour autant être considérée comme immorale: la technique n'est qu'un moyen, un intermédiaire de l'action. La responsabilité incombe aux seuls hommes qui ont fait des choix, ont pris des décisions. La technique est donc amorale (et non pas immorale), elle n'est pas plus responsable de la destruction de notre environnement que le couteau n'est responsable du meurtre.

Du tissu social

Pour certains philosophes, la technique ne détruirait pas seulement l'environnement mais aussi le tissu social. Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) disait de la technique qu'elle fait tout pour me rendre autrui peu aimable: je l'utilise comme un objet (au mieux) ou je m'en débarrasse (au pire).
La technique est aussi créatrice d'inégalités: entre ceux qui peuvent acheter une nouvelle machine et ceux qui ne peuvent pas, entre ceux qui savent l'utiliser et ceux qui ne le savent pas. En adoptant une posture radicale, on peut affirmer que la technique constitue une menace pour la démocratie.



Aujourd'hui, la technique fascine l'Homme comme en témoigne la littérature abondante sur le sujet (science-fiction, extraterrestres,...) tout autant qu'elle l'effraye (la perspective de notre propre disparition). L'Homme n'a jamais eu autant de moyens de destruction mais aussi de moyens de protection à sa disposition (paradoxalement, certaines objets issus de la technique partagent les deux fonctions: la bombe atomique, moyen massif de destruction, a été conçue en tant qu'instrument de dissuasion et donc moyen de paix).
Du fait de sa puissance, nous ne pouvons plus considérer la technique comme un banal instrument, comme un jouet; elle soulève l'inévitable problème éthique de la responsabilité.

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